Monseigneur Pierre Marie –Joseph Puech (1906-1995) fut Evèque d’Albi et reconnu comme « Juste » pour son action en faveur des juifs sous l’occupation nazie. Professeur au petit séminaire, il communiquait à ses élèves un texte auquel il tenait beaucoup intitulé « Sept instructions aux Frères en Saint Jean ». Ce texte est totalement anonyme, on ne sait même pas à quel siècle il a été écrit. Monseigneur Puech n’a jamais expliqué d’où il le tenait, et même s’il savait d’où venait ce texte. Si jamais il connaissait son auteur, il est mort avec ce secret. Mais ce texte avait frappé l’un de ses élèves, futur écrivain et Prix Goncourt, Frédérick Tristan qui le fit publier dans une petite maison d’édition, Arma Artis, à seulement 500 exemplaires, en 2004. Le texte ci-joint de Georges Staune (père de Jean Staune) est un commentaire de ce texte.
Non publié, il a été mis ici à l’intention, entre autres, des lecteurs de l’ouvrage de Jean Staune Jésus l’enquête, Plon, octobre 2022, où ce texte est mentionné.
Non publié, il a été mis ici à l’intention, entre autres, des lecteurs de l’ouvrage de Jean Staune Jésus l’enquête, Plon, octobre 2022, où ce texte est mentionné.
Commentaires sur les Sept Instructions aux Frères en Saint jean
Georges Staune
Cher ami
Voici quelques impressions concernant le texte que vous m’avez soumis.
La première, le lisant d’un bout à l’autre, c’est sa profonde conformité avec la révélation chrétienne. Il s’agit bien ici de que Saint-Vincent de Lérins a défini d’une manière volontairement paradoxale comme étant la vérité catholique : « quid ubique semper ab omnibus creditum est ». Un bon nombre de siècle après, le R.P Journet dans son étude sur « l’Eglise du Verbe incarné », se sentait contraint à la redéfinir : quid semper, ab omnibus…ubique in Roma creditum est » On se souviendra de cette « nuance » en réfléchissant sur le sens qu’il faut donner à la catholicité de notre texte.
La deuxième impression concerne l’unicité du texte. Contrairement à ce qu’on m’en avait dit, contrairement à mon attente de trouver « un texte composite », une sorte de puzzle de diverses provenances, j’ai eu la certitude de me trouver en face d’un texte homogène à tous les niveaux[1], en présence d’un seul et même rédacteur. Un seul fond, une seule doctrine, les mêmes souffle, ton, écriture et présence. Et la même trame cachée dans les détails que l’on trouve dans cette espèce d’écrits depuis deux mille ans. Bref : un vêtement sans couture recouvrant un seul corps.
Comment expliquer alors ce qui nous paraît contradictoire ou surprenant de prime abord dans les « Instructions » ? Il faudra revoir cela point par point. D’autant plus que la logique non-binaire, mais antinomique (et ternaire) se trouve à maintes reprises affirmée dans le texte : « Les apparentes contradictions doivent être dépassées, non annulées les unes par les autres ».
Il est évident que les Instructions se situent à l’intérieur de la chrétienté occidentale et catholique, son message, sa liturgie, son trésor symbolique et son iconographie. Or, cela ne signifie nullement que le texte se sente lié par la théologie romaine. Notons d’abord qu’on n’y trouve mentionné ni le magistère, ni l’infaillibilité, ni même la suprématie de Rome. Et la seule fois qu’il y est question du pape, il n’y est pas désigné comme vicaire du Christ, mais comme l’évêque suprême : « … à l’orée de l’année sainte, l’Evêque suprême ferme une porte au nom de tous »…. Or ce titre personnel correspond exactement à celui que lui donnent les églises orientales : Episcopus primus inter pares.
Ceux qui se mettent en dehors de l’Assemblée selon les Instructions, ce sont ceux qui nient la divinité du Fils incarné, refusent la Vierge, ignorent la Présence dans le pain et le vin consacrés et ceux qui ne croient pas à la chute, à la rédemption et à la Jérusalem Céleste.
La condition pour que l’acte cosmique de l’Eglise soit valable - il s’agit de l’Eucharistie-[2] c’est la consécration épiscopale et la succession ininterrompue de cette consécration. Tel est bien le cas non seulement de toutes les églises orientales, mais aussi d’un certain nombre d’églises luthériennes et de l’église anglicane. Ainsi donc, l’affirmation : « l’Eucharistie ne cesse d’être présente au monde et cela à l’Intérieur de la seule Assemblée universelle qu’elle soit d’Orient ou d’Occident » est parfaitement conforme au sens et à la lettre des « Instructions » dans leur entier.
Or si nous lisons: « Et pourtant que de baptisés qui sont de l'Assemblée par ce sacrement et qui ne sont pas du Christ! Que de non baptisés qui ne sont pas de l'Assemblée par l'absence de ce sacrement et qui en vérité sont de l'assemblée et du Christ par ce qu'ils sont... » et: "Rien ne peut échapper à l'universalité[3] de l'Assemblée par le seul fait que le Christ est le Rédempteur de tous les hommes qu'il rassemble en l'Homme Premier", nous sommes bien loin de ce qu'enseigne le magistère ou par exemple Saint-Thomas d'Aquin. (Remarquons en passant ici les deux sens, dans l’unique mot « Assemblée », les deux emplois formant "une contradiction apparente qui doit être dépassé et non annulée" comme nous venons de le voir déjà)
Mais allons tout de suite à l'essentiel. Souvenons-nous un instant de nos catéchismes, de toutes les théologies de la création, des interprétations soit traditionalistes soit évolutionnistes des sept jours de la Genèse pour lire ceci:
"Adam succomba …et ce fut la chute dans le temps et dans l'espace du Satan qui alors est vide. Dans ce vide l'Homme premier explosa[4] et ses infinies parcelles devinrent chacune limitée et périssables. Tels sont l'Univers comme on le voit et l'Humanité aux mains de Satan."
Et:
« L'homme aussi bien que l'univers n'étant autre chose que les fragments chutés et dispersés de l'homme Premier. »
Ou: « Car lorsque la chute a eu lieu, le corps tout spirituel de l'Homme Premier se pétrifia en corps corporel et matériel. »
"Le Christ par sa mort a racheté Adam aux ténèbres de la matière."
« L'Univers et l'homme chutés seront défaits en six jours, le dernier n'ayant pas fin ». « Et ainsi le vide matériel dans lequel se mouvaient le temps et l'espace sera calciné sans qu'il en reste la moindre cendre. »
Disons seulement qu'un « spécialiste » ayant trouvé de telles paroles dans un texte médiéval n’hésiterait pas un seul instant le baptiser manichéen. Disons aussi que pour l'énorme majorité des gens élevés dans la religion chrétienne[5] - à condition qu'ils le lisent attentivement- cela ne peut paraître qu’une folie étrange. Pourtant l'usage et les théologies ont prudemment écarté ce thème que l’on trouve dans l'écriture: "Scimus quoniam es Deo sumus et mundus totus in maligno positus est[6]" (1er Jean 5: 19) par exemple.
Mais attention - c'est très important- ce "mundus totus" n'est nullement identique à « l'illusion de toute la manifestation » orientale. Il ne définit que le monde de la chute et de « l'univers tel que nous le voyons » et la condition humaine.
C'est cette même cohérence que nous retrouverons dans l'analyse des notions qui surprennent le plus dans le texte, car on les rencontre surtout dans la métaphysique orientale: le Non Etre, le Soi, la part émanée et la manifestation.
"Le monde chuté se repose sur l'apparence et l'illusion. Le monde spirituel est infiniment réel", ce qui change (ou rectifie) le sens de chaque terme employé.
Remarquons d'abord que le Non-Etre dans les "Instructions" a un sens bien différent de celui que l'on trouve dans les textes orientaux et même de celui de la théologie apophatique ou celui de la «Divinité » chez M. Eckhart.
Ici c'est « l'abîme couvert de ténèbres » de la Genèse, c'est celui de Jacob Boehme: abîme, le Néant qui s'étend sous Dieu et hors de Lui.
Voyons:
"La manifestation divine par la volonté de l'Etre commença en Alpha"...
« L'Etre lança le Verbe, son agent créateur vers le Non-Etre et de son Non Etre contracta les créatures ».
... « Lorsque les êtres créés du Non Etre se séparèrent du Principe, ils tombèrent dans la quantité » ... etc.
Ce qui devient tout à fait évident lorsqu’on nous présente la solution du « problème Lucifer » : "... la sagesse chutée réintégrera Lucifer réduit à l'état de la planète noire et glacée et Lucifer lui-même réintégrera le Non Etre... Seul le Non-Etre pouvant le rendre utilement à son état de non-créé".
Ainsi donc, tandis que dans la métaphysique orientale (du moins sous la forme où elle nous est parvenue) réintégrer le Non-Etre (et le non manifesté) nous est présenté comme félicité suprême et le but de la réalisation, ici c'est une triste, mais unique solution possible -in fine- de l'erreur.
Nous trouverons un semblable correctif dans l'emploi du terme "Soi", terme qui de prime abord peut surprendre le plus dans les Instructions, correctif qui résulte de la méconnaissance ou de l'oubli du fait de la Chute dans la tradition orientale.
Le terme "Soi" est légitime et correspond à une réalité profonde, il s'oppose au "moi" de l'homme extérieur, mais ce moi, déjà, ne correspond pas à une tare ontologique de la particularisation ou de l’individuation de telle ou telle autre parcelle de l'Etant, mais à la condition de la chute :
« Rien n'est plus difficile à l'homme chuté que d'oublier son Moi, ses appels, ses plaintes, ses vanités, ses colères, ses ruses. C'est de ce Moi qu'il faut intégralement se libérer ».
Et :
"La libération de l'homme est cachée dans son intérieur le plus profond qu'il lui faut atteindre en se dépouillant du vieil homme, c'est-à-dire de la gangue de l'homme chuté qui n'est que le contre-sens du Moi."
Le passage, vertigineux, par le Soi est une « mort » mais n'est pas le terme final. Si dans la métaphysique orientale le Soi (ou l'atman) égale Brahman et que dans le Soi la question de la manifestation ne se pose plus du tout, dans la révélation du Christ il est le lieu de "l'obéissance à cette révélation à l'intérieur du Soi", il est le "vêtement sans couture du Christ" et "le non-manifesté", on le comprend, n'a plus besoin de "vêtement". Bref c'est le lieu de l'Unité mais sans confusion. Le lieu où "l'homme intérieur" se rénove au jour le jour dans la mesure où se détruit "l'homme extérieur" selon la parole de Saint-Paul. Le lieu où nous pouvons" recouvrer en nous l'Homme Premier en nous incarnant dans l'Esprit" comme nous le lisons ici.
La logique de « la nouvelle et définitive Révélation », celle de l’incarnation (et qui pourtant est celle de l’Alpha) est trinitaire.
Nous l'avons vu. Si le Moi et le Soi, ou plutôt : si le Moi revenu dans le Soi à sa pureté originelle, sont comme deux faces d'une même pièce de monnaie, la pièce elle-même a une origine divine. Si la résurrection d'un corps spirituel, si la rédemption de l'homme chuté sont possibles, c'est parce qu'il garde en lui: "Germe divin cette étincelle d'émanation prisonnière de la création altérée, arche véritable transmise de génération en génération..." [7]
Il s'agit de la part émanée de l'Etre. Et qui, pour ceux qui ont redécouvert "le sixième et l'unique sens", obstrué, se présente comme une étoile. D'où l'étoile « internelle » que, comme le reste, nous retrouvons dans les sources:
"Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l'éclat des corps célestes, autre celui des corps terrestres. Autre est l’éclat des étoiles, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat du soleil ; et même une étoile diffère en éclat d'une autre étoile. Ainsi en est-il de la résurrection des morts"... (Paul, 1Cor.15: 40-42) Etoile qui parfois, comme lors de l'incarnation du Christ, devient si éclatante, qu'elle est visible à tous.
Remarquons ici encore que nous sommes à mille lieux, avec "la part émanée", de la Théologie romaine, et du magistère aussi.
Depuis que les prudents essais d'Origène d'introduire la notion de la "préexistence de l'âme" ont été définitivement écartés à cause d’une révolte des moines de la Palestine, on ne peut plus en parler d'aucune façon dans la théologie. La condamnation de la proposition attribuée à maître Eckhart "Il y a dans mon âme quelque chose qui est comme Dieu et si toute mon âme était ainsi, elle serait Dieu" en est la preuve.
Maître Eckhart aurait désavoué l'avoir prononcé sous cette forme. Peu importe. Cette vérité reconnue toujours dans "l'église intérieure", nous la retrouverons exprimée dans les sermons d'Eckhart d'une façon plus explicite encore : "Ecoutez bien, je vais maintenant dire ce que je n'ai encore dit. Lorsque Dieu créa le ciel et la terre et toutes les créatures, Dieu n'oeuvra point ; il n'avait rien de quoi œuvrer ; en Lui il n'y avait aucune œuvre. Dieu dit alors : nous allons produire notre égal... Lorsque Dieu fit l'homme c'est dans l'âme qu'il oeuvra l'Oeuvre pareille à Lui, l'œuvre opérante et qui dure toujours. Si grande fut cette oeuvre qu'elle n'était autre chose que l'âme : voilà l'oeuvre de Dieu" (Oeuvre de Dieu, Pfeiffer S. 56°). Mais attention !
On a pu tellement tirer la couverture dans différents sens en parlant de M. Eckhart que cela mérite une rectification. Si c'est dans le même sermon que M. Eckhart nous transmet l'intuition intellectuelle et métaphysique suprême: "Dieu et la divinité sont aussi loin l'une de l'autre que le ciel et la terre" il ne s'agit nullement pour lui de confondre la réalisation avec le dépassement de l'Etre lui-même. "Je dis plus : l'homme intérieur et l'homme extérieur sont aussi loin l'un de l'autre que le ciel et la terre". Comme partout où ce que les Instructions appellent "la Révélation du Christ" est présente, pour l'homme il n'est question que de l'Union mais sans fusion ni confusion. L'homme intérieur uni reste aussi "l'homme".
Dès lors, la proposition des "Instructions", "Tout homme ayant recouvré l'Homme Premier d'avant la chute, participe à la fois de l'Emanation issue continuellement de l'Etre et de la Création née du verbe contractant le Non-Etre" est bien celle qui depuis toujours et partout a été transmise par la Révélation - contradiction apparente - et qui l'équilibre sans exclusion. Mais comme toujours, ce texte a un écho dans les Sources: "Mais à tous ceux qui l'ont reçu (= la lumière) qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu lesquels sont nés non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu" (Jean 1: 12-13) "Sex ex Deo nati sunt".
Ce qui précède nous permet de passer rapidement sur l'ancienne querelle qui oppose l'Orient et Occident au sujet de la "manifestation" et de la "création". On comprend bien la spéculation intellectuelle de l'Orient, qui a prévalu peu à peu. Si même l'Etre n'est rien par rapport à la divinité qui le précède, le reste ne peut être qu'une "illusion". Les hérésies successives, les gnostiques émanationnistes ont durci la théologie occidentale pour aboutir à un créationnisme simpliste. Or la vérité telle que le bon sens déjà la conçoit est double: rien ne peut procéder que de l'Etre pour devenir l'étant, rien ne peut devenir "un autre" sans être créé, par opposition. La logique trinitaire: émanation, manifestation, création des "Instructions" rétablit le pont.
Quelques mots devraient suffire sur d'autres points qui de prime abord semblent être litigieux. S'il est vrai... "qu'il n'est qu'une épouse d'Israël et de l'Eglise et qu’à travers les Alliances; il n'en est fondamentalement qu'une seule... " et que "ainsi ne peut-on rien entendre de la Présence en dehors d'Israël et de l'Eglise rassemblés, et que si par malheur, l'Eglise oubliait Israël, elle ne serait plus l'Eglise", alors ce que les "Instructions" appellent la "Tradition juive", rentre elle aussi dans le giron de la nouvelle révélation, tous comme les textes de l'Ancien Testament sont rentrés dans la liturgie.
Depuis toujours et surtout aux moments décisifs, celle que notre texte appelle "L'Assemblée intérieure" a donné son influx à la civilisation chrétienne même si elle ne s'était jamais confondue avec l'extérieur.
La tradition attribue à St-Jean Chrysostome d'avoir reproduit sa liturgie selon celle qu'il avait vu "au ciel". Le style Byzantin et sa mystérieuse civilisation quasiment disparue, ainsi que le seul grand style - le roman et le gothique - qu'a connu l'Occident sont remplis de ces influx. L'Art des bâtisseurs, les "Instructions" nous le rappellent, en portent l'empreinte. La maçonnerie spéculative, quelques en soient ses origines ésotériques, a reçu - en Occident - le même influx. Saint Bernard, pour des raisons géopolitiques, a inspiré les statut de l'ordre du Temple selon l'image (intérieure) des chevaliers de l'Apocalypse, mais, les "Instructions" nous le rappellent, tout en respectant l'histoire: Le seul Temple à conquérir est le Temple intérieur. Et les trois voeux monastiques n'ont pas ici de valeurs en tant que voeux, mais en tant que réalisation préalable pour accéder au domaine de l'Esprit. Ainsi, ce qui est étonnant dans notre texte, ce n'est aucunement son prétendu caractère hétéroclite, c'est sa cohérence. De même, si les "fragments de l'Homme premier qui forment l'Univers, malgré leurs corporisations matérielles ont gardé la corporéité spirituelle de l'Homme Premier", toute recherche de relation cosmique en anthropologie a un fondement. Et surtout au niveau des Nombres.
Bref, les "Instructions" n'ont peur de rien. Ce sont là vraiment les grandes eaux de l'orthodoxie catholique, (c'est-à-dire universelle) qui intègre tout naturellement tout ce qui a été vrai, mais en le revoyant à la lumière de la Révélation de l'Incarnation. D'où : "ici et maintenant". Mais cet "ici et maintenant" a lui aussi un double sens dans le texte. D'une part, "la part de l'émanation" inchangée, hors espace et hors temps, d'autre part le moment dans la métahistoire de la chute et de la réintégration. Notre texte rétablit l'équilibre oublié entre les deux. Il faudra sans doute y revenir.
En attendant, une autre question se pose : comment concilier cette si vaste ouverture ici, avec des restrictions et des exclusions perpétuelles, souvent dramatiques, au niveau de l'enseignement officiel de l'Eglise ? Comment concilier - en d'autres mots- la fidélité sincère à l'Eglise qu'affirme le texte et son entière liberté ? La distinction, si ancienne dans la chrétienté, entre "l'homme extérieur" et "l'homme intérieur" nous en donne la clé. La vérité que reçoit le premier ne peut être que l'expression parfaite du vrai, mais sa compréhension sera limitée par la condition de la chute : celle de pouvoir se tromper. La même vérité pour l'homme intérieur sera vécue selon une révélation directe de son sens confirmée par sa réalisation. Et pourtant, il s'agit de la même vérité.
C'est pourquoi les "Instructions" selon leur constante logique "non-binaire" nous confirment à maintes reprises, la continuelle existence de "l'Assemblée intérieure" et peuvent nous affirmer en même temps : "Il n'y a pas deux Assemblées, l'une extérieure, l'autre intérieure. Il n'est qu'une seule Assemblée dont beaucoup ne connaissent que l'extérieur". La vérité véridique : la chute, l'Incarnation de Dieu - Fils de Dieu- et Fils de l'Homme, la Passion, la Résurrection, la Rédemption contenue dans le Crédo dit des apôtres, c'est l'Eglise qui la proclame au monde. L'Eucharistie cosmique, les sacrements, la liturgie, c'est elle qui les dispense. Les témoignages aussi.
Mais le côté humain, historique, mutable, les usages et les compréhensions, le droit canon, les théologies successives, les adaptations et exclusions, même si des raisons historiques parfaitement compréhensible justifient les décisions du magistère, sont plongés dans la variabilité du temps de la chute, sont relatives, secondaires et passagères.[8] L'Assemblée intérieure n'a pas ni à s'en mêler, ni à les contester, ni à s'y soumettre.
Aussi on comprendra que le texte des "Instructions" n'a pas été prévu pour une quelconque publication. Toute affirmation publique, tout usage de termes différents de l'usage consacré est un risque de schisme ou "d'hérésie" si l'on s'en empare. On comprendra donc que quelques amis – éventuellement- essaieront de discréditer ce texte une fois publié. Avec raison.
Mais déjà le dogme, tel qu'il doit être entendu n'est autre chose que "l'affirmation d'une vérité révélée à l'Assemblée intérieure", et chose plus surprenante encore : la foi ne suffit pas pour comprendre les paroles du Christ. Or, c'était là aussi chose affirmée dès le début :
-Pourquoi ne leur parles - tu qu'en paraboles ?
- Parce qu'il vous a été donné de connaître le mystère du royaume des cieux et que cela ne leur a pas été donné (Matth.13:11).
Vérité confirmée par le "premier pontife épiscope désigné par le Christ" - pontife ici, car il a été à la fois apôtre (donc de l'intérieur par excellence) et premier épiscope - nous citerons Pierre : "Et nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique à laquelle vous faites bien de prêter attention comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vient à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs. Sachant tout d'abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l'Ecriture ne peut être l'objet d'une interprétation humaine, car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'une prophétie a jamais été apportée, mais que, poussé par le Saint-Esprit, les hommes ont parlé de la part de Dieu" (2 Pierre 1: v.19 à 21)
Une autre question peut se poser, question qui précisément a souvent été posée par le magistère. Comment éviter dans ce cas les erreurs qui peuvent provenir d'une inspiration individuelle et, donc, subjective ? La réponse implicite - conformément à la tradition - nous est apportée par le texte. D'abord, contrairement aux mystiques, même les plus grands (et la comparaison n'a rien de péjoratif ici) qui ont relaté leurs expériences divines, les membres de "l'Assemblée intérieure" n'écrivent pas.
Seules quelques porte-paroles autorisés, rares, connus ou moins connus, sont de temps en temps intervenus pour un témoignage conforme au moment "par des vues successives dont aucune n’est contraire à une autre, mais la complète", - comme le dit notre texte. Puis, parce que celui qui est intégré dans le corps de l’Homme premier (c'est-à-dire dans le Corps du Christ) n'est plus seul et ne décide rien par sa propre volonté. "La hiérarchie de l'Assemblée intérieure que l'on dit invisible est similaire à celle du Ciel"[9]
Dès lors, on entrevoit le sens du paradoxe de Saint-Vincent de Lérins : est vérité catholique ce qui au même niveau de la Révélation du Christ a été vécu et perçu par tous ceux qui l'ont pu recevoir et réaliser dans l'Assemblée intérieure : "Ceux de l'intérieur n'ont pas d'autres secrets que ceux qui demeurent à l'extérieur mais ils en vivent et sont transformé"
De là l'exceptionnel intérêt que peuvent avoir les "Instructions" pour le lecteur. On n’a pas assez remarqué que dans les diverses comparaisons entre les thèses ou conceptions orientales avec celles de la chrétienté occidentale, il y a d'habitude une flagrante inégalité de niveaux. Un envol de haute métaphysique sera comparé avec des idées théologiques. Une juxtaposition de la connaissance rencontrera en comparaison la notion de l’amour, tel qu'on la trouve dans un sermon du dimanche. Les considérations sur le principe cosmique féminin rencontreront d'autre part la piété mariale... etc. Disproportion qui est plus subtile, mais qui reste toujours si on essaye d'élever le débat, car au niveau de l'ésotérisme surtout, seuls ceux qui sont à l'intérieur peuvent comparer ce qui est de l'intérieur. Il est évident que notre texte connaît parfaitement la métaphysique, et que c'est très consciemment que tous les problèmes sont repensés ou plutôt revu dans la lumière de l'Incarnation. Ce qui explique qu'à première vue, un lecteur peu familiarisé avec ce texte peut le ressentir comme un texte plein d'emprunts. Or, l'ambivalence est ici parfaitement consciente et volontaire. Selon la tradition suivie depuis le début la forme des "Instructions" n'a rien de doctrinal. Pourtant toute expression est signifiante et porte loin.
Ainsi lorsqu'on nous rappelle le AVM des inscriptions médiévales (personne n'a jamais cru que l'Ange s'adressait à Marie en Latin), cela signifie clairement qu'à travers tout ce temps, l'Assemblée possédait le son primordial et que le Verbe incarné était lui-même à l'origine de toute tradition.
"Or quelle est la Révélation majeure sinon le Christ ? " Aussi on comprend (l’a-t-on assez remarqué ?) que les Instructions ne cherchent jamais une légitimation, ni en Occident, ni en Orient. Ce sont elles qui légitiment, et cela en connaissance de cause. Un passage remarquable nous donne la raison et l'explication de tout rituel sacré, mais aussi en même temps de la métaphysique : "... il n'est que des espaces et des temps périssables et bornés. Du moins en va-t-il ainsi de tout ce qui fut créé et qui chuta, non de la part émanée, qui fut emprisonnée dans la gangue chutée, et qui, elle, ne connaît essentiellement ni espace, ni temps, mais à jamais le ici et maintenant. Et donc, ce que nous nommons un espace et un temps sacré est une image que notre part d'émanation suggère à notre part créée et chutée afin de dessiner dans l'espace et dans le temps des signes qui, de quelque manière, évoquent l'absolu du non espace et du non temps. Ainsi... vient s'insérer la répétition d'un temps différent dans un espace différent de ceux de la chute, parce qu'ils sont images non de cette chute mais des Emanations du Principe et de la démarche de l’être vers ses Emanations. Ce qui signifie que le rituel comporte un miroir de ces Emanations et de leur approche.... D'où l'on dit que tout rituel est né d'une tradition révélée".
Si les "Instructions" insistent tellement (on l'a vu) sur le caractère indissociable de la composition tripartite humaine (la part d'émanation, de la manifestation et de la création) si elles nous disent que seule la hiérarchie de ces éléments doit et peut être inversée, cela provient sans nul doute de l'expérience vécue, cela est très important,[10] mais n'est pas une contestation. C'est une des deux lectures traditionnelles des textes anciens des Uppanishads par exemple.
Si l'interprétation shankarienne est devenue prédominante depuis notre septième siècle, si elle est linéaire (et donc toujours binaire - par suppression), elle n'est pas la seule. Nombre d'Uppanishads permettent une lecture différente et ternaire. Voyons l'Isa, et ce n'est qu'un exemple : "Ils entrent dans d'aveugles ténèbres ceux qui croient en le non-savoir, dans plus de ténèbres encore ceux qui se plaisent dans le savoir", etc. La Kena nous suggère la récupération du réel de l'autre côté du "Soi". Dans le zen le plus profond on retrouve la montagne, les arbres et la mer de l'autre côté du Satori. Et la question est revenue et resté finalement indécise dans les propos de nos traditionalistes les plus éminents. La solution peut rappeler en somme le passage par le trou de l'aiguille, sans que le chameau s'y coince.
Or, les "Instructions" affirment par ailleurs une différence réelle et décisive et qui concerne notre espace et notre temps de la chute. Non le temps de "l'incessante répétition des choses et des êtres, fragments de "l'Homme Premier", pas celui des guerres et révolutions, des naissances et morts des civilisations, des empereurs ou dictateurs, des Grands ou petits monarques, des persécutions et des prédictions, mais celui de la métahistoire : chute, incarnation, réintégration.
C'est elles que la tradition orientale a peu à peu perdus de son champ de vision. Elles sont présentes déjà dans le rituel, dans l'Eucharistie qui contient "l'incarnation de cet Evénement dans le temps et l’espace chaque fois que cet Événement par le rituel se produit".
Mais ce rituel pour être entièrement vrai se réfère aussi au réel et au présent, où, à travers toutes les fluctuations et contradictions de l'histoire depuis deux mille ans, se passe la résorption de la chute et la reconstitution de l'Homme Premier. On comprend d'autant mieux cet oubli du temps et de l’histoire nés d'une erreur et n'étant - en quelque sorte - qu'une fiction, lorsque le texte nous dit que le Christ lui-même a dû "vaincre son horreur du temps et de l'espace" pour les assumer. Or, l'erreur ayant engendré ce mal, il ne pourrait être rectifié qu'en l'assumant dans ces mêmes temps et espace.
"Le temps et l'histoire nés de la fracture sont ainsi devenus le tremplin de cette ascension supérieure à l'état premier telle qu'elle se résoudra à la fin de ce temps et de cette histoire". Et : "Savons-nous que nous vivons dans le temps du troisième jour ? Et s'il n'est pas évident que nous soyons au moment où l'Esprit de l'Homme Premier se régénère, c'est que nous errons dans l'histoire de la chute sans en discerner l'architecture".
"Comme si le Christ n'était pas mort et ressuscité apportant la seule rédemption possible définitive à l’univers et à l'Homme chuté".
Ceci est le point décisif pour les "Instructions" qui disent en somme : Nous savons et vivons ce que vous avez su et vécu. Mais avez-vous aussi compris et vivez-vous l'Incarnation ? Ainsi pendant des Kalpas de Kalpas le monde a tourné dans le cercle fermé de quatre âges :
Celui, oublié, méconnu et inattendu est ce cercle traversé d'une verticale (qui doit finalement dissoudre le cercle) :
D'où l’insistance extraordinaire du texte sur l'importance de comprendre la chute et l'Oeuvre de la Rédemption (que d'aucuns ont appelée l’Alchimie divine) et cette connaissance change le schéma du monde. Ainsi, la métaphysique orientale nous présente le Tout :
Le non-manifesté absolu
Le non-manifesté relatif
Le non-manifesté effectif ("Monde" ou Maya)
Le schéma révélé par l'Incarnation serait, lui :
L'Etre (contenant en lui la Divinité)
Le monde manifesté - crée, divin
Le monde de la chute.
Le but de l'existence n'est plus de sauter par-dessus l'Etre pour joindre le non-manifesté (on peut se demander d'ailleurs à la fois pourquoi et comment), mais de sortir de l'Erreur.
Pour rendre cette différence plus concrète, souvenons-nous du célèbre exemple du prince Siddhârta. En sortant de son palais où il était protégé du monde, il voit un mendiant, un malade, un mort. Pour fuir la condition humaine, il prend la résolution d'échapper à la manifestation (ou à la création si l'on veut). Or la maladie, la mort, l'injustice et l'erreur n'existent que dans le monde de la chute et aucunement dans le monde divin... Pour ceux de "l'Assemblée intérieure", du moins après "l'Incarnation", une telle fuite égalerait la désertion.
C'est ici que nous touchons le problème fondamental parmi ceux qui nous sont suggérés par notre texte. Celui d'une appartenance simultanément assumée à deux mondes et à deux temps, sans séparation et sans confusion. D'un côté celle par le Soi, à ce que nous pouvons appeler le règne de l'Esprit pur ("car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu" étiam profunda Dei - 1, Cor. 2:10). D'autre part, la participation à l'oeuvre de Dieu ("l'Opus Dei" retrouve ici son sens premier et véritable) : "Car nous sommes des collaborateurs de Dieu, vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu" - Dei enim sumus adjutores, Dei agricultura estis, Dei aedificatio estis. 1. Cor. 3: 9).
Les deux faces de "ici et maintenant" sont inséparables désormais et à l'image même de l'Incarnation. Hors du temps et de l'espace et actifs dans cet espace et ce temps de la chute.
Or cette "histoire de la chute" ne doit nullement être confondue - comme le font constamment les théologies - avec l'histoire humaine. Le texte de Saint-Paul cité par les Instructions nous en donne la clé.
"… Car notre combat (colluctatio) n'est point celui contre la chair et le sang, mais contre les Principautés, les Puissances, contre les Recteurs de ce monde ténébreux, contre les esprits d'Iniquité dans les cieux (in coelestibus), Ephés. 6: 12.
Au cours de l'histoire de l'Église (certes pas elle-même, mais) les hommes se référant à elle, ont souvent et à tort mené le combat contre la chair et le sang[11]. Les Instructions nous ramènent au mystérieux domaine de la métahistoire, là où les hommes, les anges, et le Ciel collaborent pour parachever l'œuvre du Christ. Et nous donnent des indications :
"Agricultura", c'est éveiller dans son prochain la part émanée et la préserver des convoitises et des attaques des puissances de "ce" monde.
"Aedificatio", c'est restaurer le corps de l'Homme Premier.
"Colluctatio", c'est garder la Terre Sainte, qui est la Vierge-Mère, qui est l'Assemblée.
Tout cela étant parfaitement conforme aux deux premiers textes purement ésotériques de la chrétienté : l'Apocalypse et le Pasteur Hermas, dont le premier développe surtout le thème de la lutte et le second surtout les deux autres.
A partir de cette expérience, nous disent les "Instructions" les oppositions, les contradictions apparentes sont transcendés. Ainsi : "Pour ceux qui ont reçu la grâce... qui les sollicite à rejoindre l'Homme Premier, il ne s'agit même plus de la seule religion, ni de la seule mystique, ni de la seule connaissance, mais de révélation et de l'obéissance à cette révélation à l'intérieur du "Soi"". Ou concernant l'opposition de la connaissance et de l'amour : "La révélation peut-être partout pour qui sait la recevoir en son cœur. Et qu'est-ce que le coeur véritable ? C'est notre part émanée lorsqu'elle a reconquis sa place en la Sagesse. Alors, elle reconnaît les autres parties émanées, où qu'elles soient, seraient-elles cachées sous les monceaux de création profanée. Et c'est le sens le plus haut, le plus profond de l'Amour. Eveiller la part émanée qui sommeille en son prochain, savoir discerner le sceau dans la chose la plus chutée, telles sont les deux voies de l'Amour".
Ou encore :
" Et c'est ici que l'Amour n'est pas quelque sentiment, mais cela même qui supprime la mort"
Il en est de même en ce qui concerne l'opposition entre le "salut" et la "délivrance", deux choses réelles certes, mais qui sont résorbées par leur intégration à l'Homme Premier où tout retrouve sa fonction et les conditions de l'évolution future. Ce qui en fait une unité indissociable.
Pour ceux qui ne sont pas habitués à la multiplicité de termes pour désigner le même contenu dans les textes authentiquement chrétiens et que l'expression "Homme Premier libéré ou intégré" peut surprendre, remarquons que dans Saint-Paul cela s'appelle "le second Adam" ou encore le Corps dont le Christ est redevenu la tête "de toute l'Assemblée l'absolue plénitude qui remplit tout en tout" (Ep.1: 22). Cette notion de l'unité d'Adam ou encore mieux celle du Corps pourrait nous faire réfléchir sur la question si un départ individuel "hors du manifesté" est souhaitable ou même définitivement possible. Comme le disait déjà Paul : "Le corps n'est pas fait d'un seul membre mais de plusieurs. Si le pied disait : " Parce que je ne suis pas la main, je ne fais pas partie du corps", il n'en ferait pas moins partie du corps. Et que l’oreille disait : "Parce que je ne suis pas l’œil, je ne fais pas partie du corps", elle n'en ferait pas moins partie du corps… En fait, il y a plusieurs membres, mais un seul corps. L'oeil ne peut pas dire à la main : "Je n'ai pas besoin de toi", ni non plus la tête aux pieds : "Je n'ai pas besoin de vous"... (Voir 1.Cor.12:12 et suiv.) Telle est aussi la conviction exprimée par notre texte qui va plus loin encore : "Libérer l’humanité sans libérer l'univers n'aurait aucun sens"
Nous revenons ici à la saisie de l'être humain et de l'Univers "tel que nous le voyons" en tant que parties éclairées de l'Unité de l'Homme Premier.
Or on y trouve une multitude d'autres réponses encore. Comme celles-ci aux tenants du Judaïsme ou aux néo-gnostiques qui produisent de nos jours des écrits sur "Paul, inventeur du christianisme" et celle aux récents convertis à l'islam qui exhument des vieilles sornettes de l'école de Tübingen sur "les divisions des christianismes dès l'origine" dans le but d'universaliser la notion de "sceau des prophètes" qui est absurde en dehors du circuit fermé de l'Islam.
"Vouloir séparer l'Assemblée de Jean de celle de Pierre, ou celle de Jacques de celle de Paul, serait ne pas comprendre que la Révélation ne peut se manifester à nos intelligences que par des vues successives, dont aucune n'est contraire à une autre, mais les complète. "
Car le verbe Incarné, nous disent les "Instructions" est Messie, Prêtre et Prophète "éclairant toutes les prophéties et les résumant à lui seul et en lui seul"
C'est ainsi que les "Instructions", en se tenant en dehors de toute polémique, par des touches implicites mais précises, peuvent aider celui qui s'y pencherait sérieusement à résoudre maints problèmes. Or, l'axe de toute solution c'est l'ambivalence de l'Incarnation avec tout ce que celle-ci confirme et modifie à la fois en l'accomplissant.
Les paroles du Christ: - "Je ne suis pas venu pour abolir La Loi mais pour l'accomplir" - nous sont explicitées ici par l'unicité d'Israël et de l'Eglise.
Le fait que le christianisme n'a pas de loi particulière le confirme aussi. Le Christ n'est pas un fondateur d'une nouvelle religion. Le passage de l'Évangile (Matt. 5:17-48) consacré au Décalogue est révélateur pour la compréhension du sens "d'accomplir".
L'Homme étant par sa nature profonde un Homme-Esprit, un regard équivaut à l'adultère, un désir, à un vol, une offense coléreuse, à un meurtre. Et le sens des dix commandements y devient : "Soyez parfaits comme votre Père est parfait".
Autrement dit, l'accomplissement de la Loi n'est possible qu'en sortant l'être humain de sa condition de la chute : "Mon royaume n'est pas de ce monde." Le seul but de l'Incarnation y est défini.
Mais le propos "pas pour abolir la Loi" peut être compris dans le sens le plus large. Le verbe étant l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, toute tradition véridique, toute religion vraie remonte à lui. Si dans la métahistoire, elles s’accomplissent dans la réintégration de l'Homme Premier (par l’Incarnation), elles gardent leur sens et leur place dans le temps. Ainsi en est-il de la fonction de la religion juive conservé dans son propre circuit : "Il n'éteindra pas le lumignon qui fume encore" nous dit Jean-Baptiste.
La permanence des principes, la modification de leurs applications ou leur compréhension du fait de l'Incarnation est la trame continue des "Instructions". De ce fait l'ensemble de notre texte peut donner quelques lueurs sur le problème assez insaisissable de l'ésotérisme chrétien. Si les débuts du christianisme peuvent sembler obscurs, c'est qu'il s'agit d'un renversement. Obscurs, parce que trop éclatants.
"Comme nous semblons éloignés de cet embrassement, de cette fusion qui, partant de La Croix, rejoignit ardemment la Couronne et cela en un seul instant".
La Pentecôte, la rentrée instantanée des cinq mille à "l'intérieur", l'illumination sans intermédiaire de Saint-Paul sur une route, bien d'autres exemples encore nous le démontrent suffisamment. Les épîtres de Paul qui sont ambivalents le font aussi. Ils s'adressaient à la fois à ceux de l'intérieur (n'oublions pas que le mot gnose a été lancé par Paul: "je voudrais que vous ayez tous la gnose"), et pouvaient de même être entendu et compris, à leur niveau, par tous dans la paroisse. Mais quelques décennies plus tard, "La lettre aux sept églises de l'Asie" de Saint-Jean appelée plus tard "l'Apocalypse" marque un début de séparation. Suivie du "Pasteur Hermas" à peu de temps près. Il est significatif que l'Apocalypse ait eu le plus grand mal à entrer dans les textes canoniques. Elle y est entrée finalement grâce au nom prestigieux de Saint-Jean et s'y est maintenue grâce aux commentaires historicisants (Il n'y pas sans doute d'autre texte au monde sur lequel on a pu écrire autant de volumes remplis d'inepties).
Le pasteur Hermas y est rentré - notamment à Rome -mais en a été ressorti (A-t-on remarqué que le thème des bâtisseurs, propre à l'Occident, provient essentiellement du Pasteur ?).
Les "Instructions" font la liaison : "Toutefois l'image des bâtisseurs et des pierres est juste, car il s'agit d'une oeuvre spirituelle, c'est donc dans un corps, une âme et un esprit vivants que cette oeuvre va opérer". Tout cela est significatif. Peu à peu, et surtout après la glorieuse moisson de martyrs, l'Assemblée intérieure devient insaisissable et extérieurement inconnue. En lisant attentivement les "Instructions" on comprend pourquoi.
Quant aux ésotérismes et hermétisme de l'Occident plus ou moins connus, ils ont d'autres origines. Mais tout comme l'art, les bâtisseurs de la civilisation médiévale ont reçu un influx de la part de l'Assemblée et des porte-paroles de celle-ci apparaissaient parfois d’une manière imprévisible dans les milieux les plus différents. Il y a un nombre de clin d'oeil dans le texte par exemple celui concernant les bâtisseurs: "Une autre image qu'il convient de commander aux maîtres-constructeurs est la disposition en forme de rose de trois verrières à situer dans le saint édifice de telle manière: une en septentrion pour le noir, une à midi pour le rouge et l'autre en Occident, pour l'embrassement, nulle ne devant être dressée en Orient, afin que les heures du jour marquent les moments de l'oeuvre du Christ et la nôtre ...'' ( et tout ce qui suit).
Ou celui-ci: "- pour qui suit le Christ jusqu'au sacrifice et à la Gloire de la Croix, cette étoile non seulement sera visible mais pareille à une rose, s'ouvrira lumineuse en son coeur, le transformant en l'or de toute connaissance et de tout Amour. Ceci est imagé par la rose au coeur de la Croix ou du vaisseau. Et c'est pourquoi on attribue aussi la rose blanche à la Vierge qui doit enfanter, la rose rouge au coeur du Christ qui est le Verbe, et la rose d'or à l'Esprit...", "ceux qui cherchent leur matériel ne sont que souffleurs et vont dans la chute plus avant".
Ces sauts dans le temps ne doivent pas nous surprendre, car l'Assemblée se déclare ici à la fois permanente et assumant chaque nouvelle fraction du temps dans sa particularité. Ils nous aident tout au contraire à comprendre le sens et l'origine du texte.
Ainsi nous nous sommes penchés ici sur la partie du texte qui soulevait le plus de problèmes et de contestations. En ce qui concerne le deuxième aspect du texte qui consiste en la transmission du symbolisme traditionnel de la Naissance, la Passion, la Résurrection et la Rédemption, il se passe de commentaires. Sauf pour dire à quel point il est intériorisé ici, et conforme - même plus : intégré - au contenu de ce qui précède. En ce qui concerne le troisième aspect des "Instructions", celui qui est présenté ici comme un rite, force est de constater qu'il reste inviolable, tout comme le dit le Préambule. Notons seulement que le même thème a été bien plus abondamment développé dans "la Signature des Choses". Les sept stations, les trois morts et les principes de l'équilibrage y sont consignés dans les termes d’une opération alchimique et le symbolisme correspondant. Or rien n’a pu être "trahi" ainsi.
Une chose est à signaler à celui qui voudrait faire une étude approfondie et personnelle sur le texte présent et sur ce qu'on pourrait - avec quelques réserves - nommer : l'ésotérisme chrétien. C'est l'extraordinaire diversité de la terminologie pour désigner le même contenu à travers les âges et les textes plus ou moins connus. Là encore nous assistons à un renversement d'usage. Mais les "Instructions" nous suffiraient déjà pour comprendre que la réalité désignée n'a pas changé d'un seul iota.
Quant à l'idée que qui ce soit pourrait 'encore une fois' servir d'arche à l'Assemblée intérieure, elle aussi est incompatible avec la totalité du texte. Elle l'est aussi avec l'affirmation explicite qui s'y trouve (et qui se trouve dans des textes similaires depuis deux mille ans): l'intérieur de l'Eglise constitue toujours "les sept Assemblées en travail sur toute la terre". "L'Asie" dès l'origine de la tradition chrétienne veut bien signifier cela. Par contre, il est évident qu'un texte comme celui-ci (une bouteille jetée à la mer a toujours une destination) peut apporter un nouvel afflux encore une fois, soit individuellement, soit collectivement, à des traditionalistes et à des hermétistes occidentaux qui se sentent chrétiens.
En concluant. Il y a eu un malentendu, sans doute quelque peu souhaité dès le départ, à propos des "Instructions". Si on nous a signalé l'existence d'un cahier manuscrit du XVe siècle qui a souvent été utilisé dans le "Bestiaire du Christ", il ne peut s'agir que d'une sorte de Mutus Liber, avec ou sans quelques commentaires (peu importe), mais aucunement des textes des "Instructions". Déjà leur terminologie serait complètement inutile au XVe siècle et contraire au principe des "vues successives" exposées ici même[12]. Que les instructions s'adressent à ceux de l'intérieur c'est évident. Mais elles s'adressent aussi à certains catholiques pour leur signaler que l'orthodoxie la plus profonde peut s'enrichir de nouveaux moyens d'investigation dont ils ont été écartés. Elles s’adressent tout aussi consciemment à tous les milieux hermétiques d'Occident pour leur signifier une fois de plus le sens de l'Incarnation et de ses conséquences. La question "où es-tu ?" ne se pose pas à ceux qui sont déjà dans le sentier. Mais il est aussi évident qu'il s'agit en plus ici d'une très respectueuse interrogation au plus haut niveau. Le texte nous semble avoir été composé et rédigé tel quel vers 1930.
[1] A l’exception d’un ou de deux courts passages peut-être mais peu importe
[2] « L’eucharistie repose sur l’Ordination et l’Ordination sur le sacre épiscopal lequel est la filiation sacramentale majeure de l’Assemblée »
[3] = catholicité
[4] Voici le « Big Bang » de certains !
[5] et surtout nos contemporains
[6] Nous savons que nous sommes de Dieu, et que le monde entier est sous la puissance du malin.
[7] Est-il étonnant de retrouver cette expression : « Le germe divin de cette renaissance céleste est renfermé dans notre intérieur… » chez Lopoukhine ?
[8] Toute opinion ou décision particulière ne restant vraie que dans la mesure où elle est conforme à la Source.
[9] Faut-il rappeler que les « Quelques Traits de l’Église Intérieure » de Lopoukhine, malgré les différences de langage et d’époque, contiennent un parfait développement sur l’Eglise intérieure et une énumération des erreurs possibles des francs-tireurs ?
[10] Surtout maintenant où, il y a une telle avalanche de littérature sur la « self-réalisation » du Soi et que les livres coûtent cher…
[11] On aurait tort de penser que c’est terminé. Seules les étiquettes changent. Aujourd’hui, cela s’appelle « théologie de la violence et de la libération des pauvres »
[12] Que le contenu signifié par ces dessins a été le même que celui exposé par les « Instructions » c’est, par contre, évident. L’étoile ne s’éteint pas.
Voici quelques impressions concernant le texte que vous m’avez soumis.
La première, le lisant d’un bout à l’autre, c’est sa profonde conformité avec la révélation chrétienne. Il s’agit bien ici de que Saint-Vincent de Lérins a défini d’une manière volontairement paradoxale comme étant la vérité catholique : « quid ubique semper ab omnibus creditum est ». Un bon nombre de siècle après, le R.P Journet dans son étude sur « l’Eglise du Verbe incarné », se sentait contraint à la redéfinir : quid semper, ab omnibus…ubique in Roma creditum est » On se souviendra de cette « nuance » en réfléchissant sur le sens qu’il faut donner à la catholicité de notre texte.
La deuxième impression concerne l’unicité du texte. Contrairement à ce qu’on m’en avait dit, contrairement à mon attente de trouver « un texte composite », une sorte de puzzle de diverses provenances, j’ai eu la certitude de me trouver en face d’un texte homogène à tous les niveaux[1], en présence d’un seul et même rédacteur. Un seul fond, une seule doctrine, les mêmes souffle, ton, écriture et présence. Et la même trame cachée dans les détails que l’on trouve dans cette espèce d’écrits depuis deux mille ans. Bref : un vêtement sans couture recouvrant un seul corps.
Comment expliquer alors ce qui nous paraît contradictoire ou surprenant de prime abord dans les « Instructions » ? Il faudra revoir cela point par point. D’autant plus que la logique non-binaire, mais antinomique (et ternaire) se trouve à maintes reprises affirmée dans le texte : « Les apparentes contradictions doivent être dépassées, non annulées les unes par les autres ».
Il est évident que les Instructions se situent à l’intérieur de la chrétienté occidentale et catholique, son message, sa liturgie, son trésor symbolique et son iconographie. Or, cela ne signifie nullement que le texte se sente lié par la théologie romaine. Notons d’abord qu’on n’y trouve mentionné ni le magistère, ni l’infaillibilité, ni même la suprématie de Rome. Et la seule fois qu’il y est question du pape, il n’y est pas désigné comme vicaire du Christ, mais comme l’évêque suprême : « … à l’orée de l’année sainte, l’Evêque suprême ferme une porte au nom de tous »…. Or ce titre personnel correspond exactement à celui que lui donnent les églises orientales : Episcopus primus inter pares.
Ceux qui se mettent en dehors de l’Assemblée selon les Instructions, ce sont ceux qui nient la divinité du Fils incarné, refusent la Vierge, ignorent la Présence dans le pain et le vin consacrés et ceux qui ne croient pas à la chute, à la rédemption et à la Jérusalem Céleste.
La condition pour que l’acte cosmique de l’Eglise soit valable - il s’agit de l’Eucharistie-[2] c’est la consécration épiscopale et la succession ininterrompue de cette consécration. Tel est bien le cas non seulement de toutes les églises orientales, mais aussi d’un certain nombre d’églises luthériennes et de l’église anglicane. Ainsi donc, l’affirmation : « l’Eucharistie ne cesse d’être présente au monde et cela à l’Intérieur de la seule Assemblée universelle qu’elle soit d’Orient ou d’Occident » est parfaitement conforme au sens et à la lettre des « Instructions » dans leur entier.
Or si nous lisons: « Et pourtant que de baptisés qui sont de l'Assemblée par ce sacrement et qui ne sont pas du Christ! Que de non baptisés qui ne sont pas de l'Assemblée par l'absence de ce sacrement et qui en vérité sont de l'assemblée et du Christ par ce qu'ils sont... » et: "Rien ne peut échapper à l'universalité[3] de l'Assemblée par le seul fait que le Christ est le Rédempteur de tous les hommes qu'il rassemble en l'Homme Premier", nous sommes bien loin de ce qu'enseigne le magistère ou par exemple Saint-Thomas d'Aquin. (Remarquons en passant ici les deux sens, dans l’unique mot « Assemblée », les deux emplois formant "une contradiction apparente qui doit être dépassé et non annulée" comme nous venons de le voir déjà)
Mais allons tout de suite à l'essentiel. Souvenons-nous un instant de nos catéchismes, de toutes les théologies de la création, des interprétations soit traditionalistes soit évolutionnistes des sept jours de la Genèse pour lire ceci:
"Adam succomba …et ce fut la chute dans le temps et dans l'espace du Satan qui alors est vide. Dans ce vide l'Homme premier explosa[4] et ses infinies parcelles devinrent chacune limitée et périssables. Tels sont l'Univers comme on le voit et l'Humanité aux mains de Satan."
Et:
« L'homme aussi bien que l'univers n'étant autre chose que les fragments chutés et dispersés de l'homme Premier. »
Ou: « Car lorsque la chute a eu lieu, le corps tout spirituel de l'Homme Premier se pétrifia en corps corporel et matériel. »
"Le Christ par sa mort a racheté Adam aux ténèbres de la matière."
« L'Univers et l'homme chutés seront défaits en six jours, le dernier n'ayant pas fin ». « Et ainsi le vide matériel dans lequel se mouvaient le temps et l'espace sera calciné sans qu'il en reste la moindre cendre. »
Disons seulement qu'un « spécialiste » ayant trouvé de telles paroles dans un texte médiéval n’hésiterait pas un seul instant le baptiser manichéen. Disons aussi que pour l'énorme majorité des gens élevés dans la religion chrétienne[5] - à condition qu'ils le lisent attentivement- cela ne peut paraître qu’une folie étrange. Pourtant l'usage et les théologies ont prudemment écarté ce thème que l’on trouve dans l'écriture: "Scimus quoniam es Deo sumus et mundus totus in maligno positus est[6]" (1er Jean 5: 19) par exemple.
Mais attention - c'est très important- ce "mundus totus" n'est nullement identique à « l'illusion de toute la manifestation » orientale. Il ne définit que le monde de la chute et de « l'univers tel que nous le voyons » et la condition humaine.
C'est cette même cohérence que nous retrouverons dans l'analyse des notions qui surprennent le plus dans le texte, car on les rencontre surtout dans la métaphysique orientale: le Non Etre, le Soi, la part émanée et la manifestation.
"Le monde chuté se repose sur l'apparence et l'illusion. Le monde spirituel est infiniment réel", ce qui change (ou rectifie) le sens de chaque terme employé.
Remarquons d'abord que le Non-Etre dans les "Instructions" a un sens bien différent de celui que l'on trouve dans les textes orientaux et même de celui de la théologie apophatique ou celui de la «Divinité » chez M. Eckhart.
Ici c'est « l'abîme couvert de ténèbres » de la Genèse, c'est celui de Jacob Boehme: abîme, le Néant qui s'étend sous Dieu et hors de Lui.
Voyons:
"La manifestation divine par la volonté de l'Etre commença en Alpha"...
« L'Etre lança le Verbe, son agent créateur vers le Non-Etre et de son Non Etre contracta les créatures ».
... « Lorsque les êtres créés du Non Etre se séparèrent du Principe, ils tombèrent dans la quantité » ... etc.
Ce qui devient tout à fait évident lorsqu’on nous présente la solution du « problème Lucifer » : "... la sagesse chutée réintégrera Lucifer réduit à l'état de la planète noire et glacée et Lucifer lui-même réintégrera le Non Etre... Seul le Non-Etre pouvant le rendre utilement à son état de non-créé".
Ainsi donc, tandis que dans la métaphysique orientale (du moins sous la forme où elle nous est parvenue) réintégrer le Non-Etre (et le non manifesté) nous est présenté comme félicité suprême et le but de la réalisation, ici c'est une triste, mais unique solution possible -in fine- de l'erreur.
Nous trouverons un semblable correctif dans l'emploi du terme "Soi", terme qui de prime abord peut surprendre le plus dans les Instructions, correctif qui résulte de la méconnaissance ou de l'oubli du fait de la Chute dans la tradition orientale.
Le terme "Soi" est légitime et correspond à une réalité profonde, il s'oppose au "moi" de l'homme extérieur, mais ce moi, déjà, ne correspond pas à une tare ontologique de la particularisation ou de l’individuation de telle ou telle autre parcelle de l'Etant, mais à la condition de la chute :
« Rien n'est plus difficile à l'homme chuté que d'oublier son Moi, ses appels, ses plaintes, ses vanités, ses colères, ses ruses. C'est de ce Moi qu'il faut intégralement se libérer ».
Et :
"La libération de l'homme est cachée dans son intérieur le plus profond qu'il lui faut atteindre en se dépouillant du vieil homme, c'est-à-dire de la gangue de l'homme chuté qui n'est que le contre-sens du Moi."
Le passage, vertigineux, par le Soi est une « mort » mais n'est pas le terme final. Si dans la métaphysique orientale le Soi (ou l'atman) égale Brahman et que dans le Soi la question de la manifestation ne se pose plus du tout, dans la révélation du Christ il est le lieu de "l'obéissance à cette révélation à l'intérieur du Soi", il est le "vêtement sans couture du Christ" et "le non-manifesté", on le comprend, n'a plus besoin de "vêtement". Bref c'est le lieu de l'Unité mais sans confusion. Le lieu où "l'homme intérieur" se rénove au jour le jour dans la mesure où se détruit "l'homme extérieur" selon la parole de Saint-Paul. Le lieu où nous pouvons" recouvrer en nous l'Homme Premier en nous incarnant dans l'Esprit" comme nous le lisons ici.
La logique de « la nouvelle et définitive Révélation », celle de l’incarnation (et qui pourtant est celle de l’Alpha) est trinitaire.
Nous l'avons vu. Si le Moi et le Soi, ou plutôt : si le Moi revenu dans le Soi à sa pureté originelle, sont comme deux faces d'une même pièce de monnaie, la pièce elle-même a une origine divine. Si la résurrection d'un corps spirituel, si la rédemption de l'homme chuté sont possibles, c'est parce qu'il garde en lui: "Germe divin cette étincelle d'émanation prisonnière de la création altérée, arche véritable transmise de génération en génération..." [7]
Il s'agit de la part émanée de l'Etre. Et qui, pour ceux qui ont redécouvert "le sixième et l'unique sens", obstrué, se présente comme une étoile. D'où l'étoile « internelle » que, comme le reste, nous retrouvons dans les sources:
"Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l'éclat des corps célestes, autre celui des corps terrestres. Autre est l’éclat des étoiles, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat du soleil ; et même une étoile diffère en éclat d'une autre étoile. Ainsi en est-il de la résurrection des morts"... (Paul, 1Cor.15: 40-42) Etoile qui parfois, comme lors de l'incarnation du Christ, devient si éclatante, qu'elle est visible à tous.
Remarquons ici encore que nous sommes à mille lieux, avec "la part émanée", de la Théologie romaine, et du magistère aussi.
Depuis que les prudents essais d'Origène d'introduire la notion de la "préexistence de l'âme" ont été définitivement écartés à cause d’une révolte des moines de la Palestine, on ne peut plus en parler d'aucune façon dans la théologie. La condamnation de la proposition attribuée à maître Eckhart "Il y a dans mon âme quelque chose qui est comme Dieu et si toute mon âme était ainsi, elle serait Dieu" en est la preuve.
Maître Eckhart aurait désavoué l'avoir prononcé sous cette forme. Peu importe. Cette vérité reconnue toujours dans "l'église intérieure", nous la retrouverons exprimée dans les sermons d'Eckhart d'une façon plus explicite encore : "Ecoutez bien, je vais maintenant dire ce que je n'ai encore dit. Lorsque Dieu créa le ciel et la terre et toutes les créatures, Dieu n'oeuvra point ; il n'avait rien de quoi œuvrer ; en Lui il n'y avait aucune œuvre. Dieu dit alors : nous allons produire notre égal... Lorsque Dieu fit l'homme c'est dans l'âme qu'il oeuvra l'Oeuvre pareille à Lui, l'œuvre opérante et qui dure toujours. Si grande fut cette oeuvre qu'elle n'était autre chose que l'âme : voilà l'oeuvre de Dieu" (Oeuvre de Dieu, Pfeiffer S. 56°). Mais attention !
On a pu tellement tirer la couverture dans différents sens en parlant de M. Eckhart que cela mérite une rectification. Si c'est dans le même sermon que M. Eckhart nous transmet l'intuition intellectuelle et métaphysique suprême: "Dieu et la divinité sont aussi loin l'une de l'autre que le ciel et la terre" il ne s'agit nullement pour lui de confondre la réalisation avec le dépassement de l'Etre lui-même. "Je dis plus : l'homme intérieur et l'homme extérieur sont aussi loin l'un de l'autre que le ciel et la terre". Comme partout où ce que les Instructions appellent "la Révélation du Christ" est présente, pour l'homme il n'est question que de l'Union mais sans fusion ni confusion. L'homme intérieur uni reste aussi "l'homme".
Dès lors, la proposition des "Instructions", "Tout homme ayant recouvré l'Homme Premier d'avant la chute, participe à la fois de l'Emanation issue continuellement de l'Etre et de la Création née du verbe contractant le Non-Etre" est bien celle qui depuis toujours et partout a été transmise par la Révélation - contradiction apparente - et qui l'équilibre sans exclusion. Mais comme toujours, ce texte a un écho dans les Sources: "Mais à tous ceux qui l'ont reçu (= la lumière) qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu lesquels sont nés non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu" (Jean 1: 12-13) "Sex ex Deo nati sunt".
Ce qui précède nous permet de passer rapidement sur l'ancienne querelle qui oppose l'Orient et Occident au sujet de la "manifestation" et de la "création". On comprend bien la spéculation intellectuelle de l'Orient, qui a prévalu peu à peu. Si même l'Etre n'est rien par rapport à la divinité qui le précède, le reste ne peut être qu'une "illusion". Les hérésies successives, les gnostiques émanationnistes ont durci la théologie occidentale pour aboutir à un créationnisme simpliste. Or la vérité telle que le bon sens déjà la conçoit est double: rien ne peut procéder que de l'Etre pour devenir l'étant, rien ne peut devenir "un autre" sans être créé, par opposition. La logique trinitaire: émanation, manifestation, création des "Instructions" rétablit le pont.
Quelques mots devraient suffire sur d'autres points qui de prime abord semblent être litigieux. S'il est vrai... "qu'il n'est qu'une épouse d'Israël et de l'Eglise et qu’à travers les Alliances; il n'en est fondamentalement qu'une seule... " et que "ainsi ne peut-on rien entendre de la Présence en dehors d'Israël et de l'Eglise rassemblés, et que si par malheur, l'Eglise oubliait Israël, elle ne serait plus l'Eglise", alors ce que les "Instructions" appellent la "Tradition juive", rentre elle aussi dans le giron de la nouvelle révélation, tous comme les textes de l'Ancien Testament sont rentrés dans la liturgie.
Depuis toujours et surtout aux moments décisifs, celle que notre texte appelle "L'Assemblée intérieure" a donné son influx à la civilisation chrétienne même si elle ne s'était jamais confondue avec l'extérieur.
La tradition attribue à St-Jean Chrysostome d'avoir reproduit sa liturgie selon celle qu'il avait vu "au ciel". Le style Byzantin et sa mystérieuse civilisation quasiment disparue, ainsi que le seul grand style - le roman et le gothique - qu'a connu l'Occident sont remplis de ces influx. L'Art des bâtisseurs, les "Instructions" nous le rappellent, en portent l'empreinte. La maçonnerie spéculative, quelques en soient ses origines ésotériques, a reçu - en Occident - le même influx. Saint Bernard, pour des raisons géopolitiques, a inspiré les statut de l'ordre du Temple selon l'image (intérieure) des chevaliers de l'Apocalypse, mais, les "Instructions" nous le rappellent, tout en respectant l'histoire: Le seul Temple à conquérir est le Temple intérieur. Et les trois voeux monastiques n'ont pas ici de valeurs en tant que voeux, mais en tant que réalisation préalable pour accéder au domaine de l'Esprit. Ainsi, ce qui est étonnant dans notre texte, ce n'est aucunement son prétendu caractère hétéroclite, c'est sa cohérence. De même, si les "fragments de l'Homme premier qui forment l'Univers, malgré leurs corporisations matérielles ont gardé la corporéité spirituelle de l'Homme Premier", toute recherche de relation cosmique en anthropologie a un fondement. Et surtout au niveau des Nombres.
Bref, les "Instructions" n'ont peur de rien. Ce sont là vraiment les grandes eaux de l'orthodoxie catholique, (c'est-à-dire universelle) qui intègre tout naturellement tout ce qui a été vrai, mais en le revoyant à la lumière de la Révélation de l'Incarnation. D'où : "ici et maintenant". Mais cet "ici et maintenant" a lui aussi un double sens dans le texte. D'une part, "la part de l'émanation" inchangée, hors espace et hors temps, d'autre part le moment dans la métahistoire de la chute et de la réintégration. Notre texte rétablit l'équilibre oublié entre les deux. Il faudra sans doute y revenir.
En attendant, une autre question se pose : comment concilier cette si vaste ouverture ici, avec des restrictions et des exclusions perpétuelles, souvent dramatiques, au niveau de l'enseignement officiel de l'Eglise ? Comment concilier - en d'autres mots- la fidélité sincère à l'Eglise qu'affirme le texte et son entière liberté ? La distinction, si ancienne dans la chrétienté, entre "l'homme extérieur" et "l'homme intérieur" nous en donne la clé. La vérité que reçoit le premier ne peut être que l'expression parfaite du vrai, mais sa compréhension sera limitée par la condition de la chute : celle de pouvoir se tromper. La même vérité pour l'homme intérieur sera vécue selon une révélation directe de son sens confirmée par sa réalisation. Et pourtant, il s'agit de la même vérité.
C'est pourquoi les "Instructions" selon leur constante logique "non-binaire" nous confirment à maintes reprises, la continuelle existence de "l'Assemblée intérieure" et peuvent nous affirmer en même temps : "Il n'y a pas deux Assemblées, l'une extérieure, l'autre intérieure. Il n'est qu'une seule Assemblée dont beaucoup ne connaissent que l'extérieur". La vérité véridique : la chute, l'Incarnation de Dieu - Fils de Dieu- et Fils de l'Homme, la Passion, la Résurrection, la Rédemption contenue dans le Crédo dit des apôtres, c'est l'Eglise qui la proclame au monde. L'Eucharistie cosmique, les sacrements, la liturgie, c'est elle qui les dispense. Les témoignages aussi.
Mais le côté humain, historique, mutable, les usages et les compréhensions, le droit canon, les théologies successives, les adaptations et exclusions, même si des raisons historiques parfaitement compréhensible justifient les décisions du magistère, sont plongés dans la variabilité du temps de la chute, sont relatives, secondaires et passagères.[8] L'Assemblée intérieure n'a pas ni à s'en mêler, ni à les contester, ni à s'y soumettre.
Aussi on comprendra que le texte des "Instructions" n'a pas été prévu pour une quelconque publication. Toute affirmation publique, tout usage de termes différents de l'usage consacré est un risque de schisme ou "d'hérésie" si l'on s'en empare. On comprendra donc que quelques amis – éventuellement- essaieront de discréditer ce texte une fois publié. Avec raison.
Mais déjà le dogme, tel qu'il doit être entendu n'est autre chose que "l'affirmation d'une vérité révélée à l'Assemblée intérieure", et chose plus surprenante encore : la foi ne suffit pas pour comprendre les paroles du Christ. Or, c'était là aussi chose affirmée dès le début :
-Pourquoi ne leur parles - tu qu'en paraboles ?
- Parce qu'il vous a été donné de connaître le mystère du royaume des cieux et que cela ne leur a pas été donné (Matth.13:11).
Vérité confirmée par le "premier pontife épiscope désigné par le Christ" - pontife ici, car il a été à la fois apôtre (donc de l'intérieur par excellence) et premier épiscope - nous citerons Pierre : "Et nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique à laquelle vous faites bien de prêter attention comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vient à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs. Sachant tout d'abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l'Ecriture ne peut être l'objet d'une interprétation humaine, car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'une prophétie a jamais été apportée, mais que, poussé par le Saint-Esprit, les hommes ont parlé de la part de Dieu" (2 Pierre 1: v.19 à 21)
Une autre question peut se poser, question qui précisément a souvent été posée par le magistère. Comment éviter dans ce cas les erreurs qui peuvent provenir d'une inspiration individuelle et, donc, subjective ? La réponse implicite - conformément à la tradition - nous est apportée par le texte. D'abord, contrairement aux mystiques, même les plus grands (et la comparaison n'a rien de péjoratif ici) qui ont relaté leurs expériences divines, les membres de "l'Assemblée intérieure" n'écrivent pas.
Seules quelques porte-paroles autorisés, rares, connus ou moins connus, sont de temps en temps intervenus pour un témoignage conforme au moment "par des vues successives dont aucune n’est contraire à une autre, mais la complète", - comme le dit notre texte. Puis, parce que celui qui est intégré dans le corps de l’Homme premier (c'est-à-dire dans le Corps du Christ) n'est plus seul et ne décide rien par sa propre volonté. "La hiérarchie de l'Assemblée intérieure que l'on dit invisible est similaire à celle du Ciel"[9]
Dès lors, on entrevoit le sens du paradoxe de Saint-Vincent de Lérins : est vérité catholique ce qui au même niveau de la Révélation du Christ a été vécu et perçu par tous ceux qui l'ont pu recevoir et réaliser dans l'Assemblée intérieure : "Ceux de l'intérieur n'ont pas d'autres secrets que ceux qui demeurent à l'extérieur mais ils en vivent et sont transformé"
De là l'exceptionnel intérêt que peuvent avoir les "Instructions" pour le lecteur. On n’a pas assez remarqué que dans les diverses comparaisons entre les thèses ou conceptions orientales avec celles de la chrétienté occidentale, il y a d'habitude une flagrante inégalité de niveaux. Un envol de haute métaphysique sera comparé avec des idées théologiques. Une juxtaposition de la connaissance rencontrera en comparaison la notion de l’amour, tel qu'on la trouve dans un sermon du dimanche. Les considérations sur le principe cosmique féminin rencontreront d'autre part la piété mariale... etc. Disproportion qui est plus subtile, mais qui reste toujours si on essaye d'élever le débat, car au niveau de l'ésotérisme surtout, seuls ceux qui sont à l'intérieur peuvent comparer ce qui est de l'intérieur. Il est évident que notre texte connaît parfaitement la métaphysique, et que c'est très consciemment que tous les problèmes sont repensés ou plutôt revu dans la lumière de l'Incarnation. Ce qui explique qu'à première vue, un lecteur peu familiarisé avec ce texte peut le ressentir comme un texte plein d'emprunts. Or, l'ambivalence est ici parfaitement consciente et volontaire. Selon la tradition suivie depuis le début la forme des "Instructions" n'a rien de doctrinal. Pourtant toute expression est signifiante et porte loin.
Ainsi lorsqu'on nous rappelle le AVM des inscriptions médiévales (personne n'a jamais cru que l'Ange s'adressait à Marie en Latin), cela signifie clairement qu'à travers tout ce temps, l'Assemblée possédait le son primordial et que le Verbe incarné était lui-même à l'origine de toute tradition.
"Or quelle est la Révélation majeure sinon le Christ ? " Aussi on comprend (l’a-t-on assez remarqué ?) que les Instructions ne cherchent jamais une légitimation, ni en Occident, ni en Orient. Ce sont elles qui légitiment, et cela en connaissance de cause. Un passage remarquable nous donne la raison et l'explication de tout rituel sacré, mais aussi en même temps de la métaphysique : "... il n'est que des espaces et des temps périssables et bornés. Du moins en va-t-il ainsi de tout ce qui fut créé et qui chuta, non de la part émanée, qui fut emprisonnée dans la gangue chutée, et qui, elle, ne connaît essentiellement ni espace, ni temps, mais à jamais le ici et maintenant. Et donc, ce que nous nommons un espace et un temps sacré est une image que notre part d'émanation suggère à notre part créée et chutée afin de dessiner dans l'espace et dans le temps des signes qui, de quelque manière, évoquent l'absolu du non espace et du non temps. Ainsi... vient s'insérer la répétition d'un temps différent dans un espace différent de ceux de la chute, parce qu'ils sont images non de cette chute mais des Emanations du Principe et de la démarche de l’être vers ses Emanations. Ce qui signifie que le rituel comporte un miroir de ces Emanations et de leur approche.... D'où l'on dit que tout rituel est né d'une tradition révélée".
Si les "Instructions" insistent tellement (on l'a vu) sur le caractère indissociable de la composition tripartite humaine (la part d'émanation, de la manifestation et de la création) si elles nous disent que seule la hiérarchie de ces éléments doit et peut être inversée, cela provient sans nul doute de l'expérience vécue, cela est très important,[10] mais n'est pas une contestation. C'est une des deux lectures traditionnelles des textes anciens des Uppanishads par exemple.
Si l'interprétation shankarienne est devenue prédominante depuis notre septième siècle, si elle est linéaire (et donc toujours binaire - par suppression), elle n'est pas la seule. Nombre d'Uppanishads permettent une lecture différente et ternaire. Voyons l'Isa, et ce n'est qu'un exemple : "Ils entrent dans d'aveugles ténèbres ceux qui croient en le non-savoir, dans plus de ténèbres encore ceux qui se plaisent dans le savoir", etc. La Kena nous suggère la récupération du réel de l'autre côté du "Soi". Dans le zen le plus profond on retrouve la montagne, les arbres et la mer de l'autre côté du Satori. Et la question est revenue et resté finalement indécise dans les propos de nos traditionalistes les plus éminents. La solution peut rappeler en somme le passage par le trou de l'aiguille, sans que le chameau s'y coince.
Or, les "Instructions" affirment par ailleurs une différence réelle et décisive et qui concerne notre espace et notre temps de la chute. Non le temps de "l'incessante répétition des choses et des êtres, fragments de "l'Homme Premier", pas celui des guerres et révolutions, des naissances et morts des civilisations, des empereurs ou dictateurs, des Grands ou petits monarques, des persécutions et des prédictions, mais celui de la métahistoire : chute, incarnation, réintégration.
C'est elles que la tradition orientale a peu à peu perdus de son champ de vision. Elles sont présentes déjà dans le rituel, dans l'Eucharistie qui contient "l'incarnation de cet Evénement dans le temps et l’espace chaque fois que cet Événement par le rituel se produit".
Mais ce rituel pour être entièrement vrai se réfère aussi au réel et au présent, où, à travers toutes les fluctuations et contradictions de l'histoire depuis deux mille ans, se passe la résorption de la chute et la reconstitution de l'Homme Premier. On comprend d'autant mieux cet oubli du temps et de l’histoire nés d'une erreur et n'étant - en quelque sorte - qu'une fiction, lorsque le texte nous dit que le Christ lui-même a dû "vaincre son horreur du temps et de l'espace" pour les assumer. Or, l'erreur ayant engendré ce mal, il ne pourrait être rectifié qu'en l'assumant dans ces mêmes temps et espace.
"Le temps et l'histoire nés de la fracture sont ainsi devenus le tremplin de cette ascension supérieure à l'état premier telle qu'elle se résoudra à la fin de ce temps et de cette histoire". Et : "Savons-nous que nous vivons dans le temps du troisième jour ? Et s'il n'est pas évident que nous soyons au moment où l'Esprit de l'Homme Premier se régénère, c'est que nous errons dans l'histoire de la chute sans en discerner l'architecture".
"Comme si le Christ n'était pas mort et ressuscité apportant la seule rédemption possible définitive à l’univers et à l'Homme chuté".
Ceci est le point décisif pour les "Instructions" qui disent en somme : Nous savons et vivons ce que vous avez su et vécu. Mais avez-vous aussi compris et vivez-vous l'Incarnation ? Ainsi pendant des Kalpas de Kalpas le monde a tourné dans le cercle fermé de quatre âges :
Celui, oublié, méconnu et inattendu est ce cercle traversé d'une verticale (qui doit finalement dissoudre le cercle) :
D'où l’insistance extraordinaire du texte sur l'importance de comprendre la chute et l'Oeuvre de la Rédemption (que d'aucuns ont appelée l’Alchimie divine) et cette connaissance change le schéma du monde. Ainsi, la métaphysique orientale nous présente le Tout :
Le non-manifesté absolu
Le non-manifesté relatif
Le non-manifesté effectif ("Monde" ou Maya)
Le schéma révélé par l'Incarnation serait, lui :
L'Etre (contenant en lui la Divinité)
Le monde manifesté - crée, divin
Le monde de la chute.
Le but de l'existence n'est plus de sauter par-dessus l'Etre pour joindre le non-manifesté (on peut se demander d'ailleurs à la fois pourquoi et comment), mais de sortir de l'Erreur.
Pour rendre cette différence plus concrète, souvenons-nous du célèbre exemple du prince Siddhârta. En sortant de son palais où il était protégé du monde, il voit un mendiant, un malade, un mort. Pour fuir la condition humaine, il prend la résolution d'échapper à la manifestation (ou à la création si l'on veut). Or la maladie, la mort, l'injustice et l'erreur n'existent que dans le monde de la chute et aucunement dans le monde divin... Pour ceux de "l'Assemblée intérieure", du moins après "l'Incarnation", une telle fuite égalerait la désertion.
C'est ici que nous touchons le problème fondamental parmi ceux qui nous sont suggérés par notre texte. Celui d'une appartenance simultanément assumée à deux mondes et à deux temps, sans séparation et sans confusion. D'un côté celle par le Soi, à ce que nous pouvons appeler le règne de l'Esprit pur ("car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu" étiam profunda Dei - 1, Cor. 2:10). D'autre part, la participation à l'oeuvre de Dieu ("l'Opus Dei" retrouve ici son sens premier et véritable) : "Car nous sommes des collaborateurs de Dieu, vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu" - Dei enim sumus adjutores, Dei agricultura estis, Dei aedificatio estis. 1. Cor. 3: 9).
Les deux faces de "ici et maintenant" sont inséparables désormais et à l'image même de l'Incarnation. Hors du temps et de l'espace et actifs dans cet espace et ce temps de la chute.
Or cette "histoire de la chute" ne doit nullement être confondue - comme le font constamment les théologies - avec l'histoire humaine. Le texte de Saint-Paul cité par les Instructions nous en donne la clé.
"… Car notre combat (colluctatio) n'est point celui contre la chair et le sang, mais contre les Principautés, les Puissances, contre les Recteurs de ce monde ténébreux, contre les esprits d'Iniquité dans les cieux (in coelestibus), Ephés. 6: 12.
Au cours de l'histoire de l'Église (certes pas elle-même, mais) les hommes se référant à elle, ont souvent et à tort mené le combat contre la chair et le sang[11]. Les Instructions nous ramènent au mystérieux domaine de la métahistoire, là où les hommes, les anges, et le Ciel collaborent pour parachever l'œuvre du Christ. Et nous donnent des indications :
"Agricultura", c'est éveiller dans son prochain la part émanée et la préserver des convoitises et des attaques des puissances de "ce" monde.
"Aedificatio", c'est restaurer le corps de l'Homme Premier.
"Colluctatio", c'est garder la Terre Sainte, qui est la Vierge-Mère, qui est l'Assemblée.
Tout cela étant parfaitement conforme aux deux premiers textes purement ésotériques de la chrétienté : l'Apocalypse et le Pasteur Hermas, dont le premier développe surtout le thème de la lutte et le second surtout les deux autres.
A partir de cette expérience, nous disent les "Instructions" les oppositions, les contradictions apparentes sont transcendés. Ainsi : "Pour ceux qui ont reçu la grâce... qui les sollicite à rejoindre l'Homme Premier, il ne s'agit même plus de la seule religion, ni de la seule mystique, ni de la seule connaissance, mais de révélation et de l'obéissance à cette révélation à l'intérieur du "Soi"". Ou concernant l'opposition de la connaissance et de l'amour : "La révélation peut-être partout pour qui sait la recevoir en son cœur. Et qu'est-ce que le coeur véritable ? C'est notre part émanée lorsqu'elle a reconquis sa place en la Sagesse. Alors, elle reconnaît les autres parties émanées, où qu'elles soient, seraient-elles cachées sous les monceaux de création profanée. Et c'est le sens le plus haut, le plus profond de l'Amour. Eveiller la part émanée qui sommeille en son prochain, savoir discerner le sceau dans la chose la plus chutée, telles sont les deux voies de l'Amour".
Ou encore :
" Et c'est ici que l'Amour n'est pas quelque sentiment, mais cela même qui supprime la mort"
Il en est de même en ce qui concerne l'opposition entre le "salut" et la "délivrance", deux choses réelles certes, mais qui sont résorbées par leur intégration à l'Homme Premier où tout retrouve sa fonction et les conditions de l'évolution future. Ce qui en fait une unité indissociable.
Pour ceux qui ne sont pas habitués à la multiplicité de termes pour désigner le même contenu dans les textes authentiquement chrétiens et que l'expression "Homme Premier libéré ou intégré" peut surprendre, remarquons que dans Saint-Paul cela s'appelle "le second Adam" ou encore le Corps dont le Christ est redevenu la tête "de toute l'Assemblée l'absolue plénitude qui remplit tout en tout" (Ep.1: 22). Cette notion de l'unité d'Adam ou encore mieux celle du Corps pourrait nous faire réfléchir sur la question si un départ individuel "hors du manifesté" est souhaitable ou même définitivement possible. Comme le disait déjà Paul : "Le corps n'est pas fait d'un seul membre mais de plusieurs. Si le pied disait : " Parce que je ne suis pas la main, je ne fais pas partie du corps", il n'en ferait pas moins partie du corps. Et que l’oreille disait : "Parce que je ne suis pas l’œil, je ne fais pas partie du corps", elle n'en ferait pas moins partie du corps… En fait, il y a plusieurs membres, mais un seul corps. L'oeil ne peut pas dire à la main : "Je n'ai pas besoin de toi", ni non plus la tête aux pieds : "Je n'ai pas besoin de vous"... (Voir 1.Cor.12:12 et suiv.) Telle est aussi la conviction exprimée par notre texte qui va plus loin encore : "Libérer l’humanité sans libérer l'univers n'aurait aucun sens"
Nous revenons ici à la saisie de l'être humain et de l'Univers "tel que nous le voyons" en tant que parties éclairées de l'Unité de l'Homme Premier.
Or on y trouve une multitude d'autres réponses encore. Comme celles-ci aux tenants du Judaïsme ou aux néo-gnostiques qui produisent de nos jours des écrits sur "Paul, inventeur du christianisme" et celle aux récents convertis à l'islam qui exhument des vieilles sornettes de l'école de Tübingen sur "les divisions des christianismes dès l'origine" dans le but d'universaliser la notion de "sceau des prophètes" qui est absurde en dehors du circuit fermé de l'Islam.
"Vouloir séparer l'Assemblée de Jean de celle de Pierre, ou celle de Jacques de celle de Paul, serait ne pas comprendre que la Révélation ne peut se manifester à nos intelligences que par des vues successives, dont aucune n'est contraire à une autre, mais les complète. "
Car le verbe Incarné, nous disent les "Instructions" est Messie, Prêtre et Prophète "éclairant toutes les prophéties et les résumant à lui seul et en lui seul"
C'est ainsi que les "Instructions", en se tenant en dehors de toute polémique, par des touches implicites mais précises, peuvent aider celui qui s'y pencherait sérieusement à résoudre maints problèmes. Or, l'axe de toute solution c'est l'ambivalence de l'Incarnation avec tout ce que celle-ci confirme et modifie à la fois en l'accomplissant.
Les paroles du Christ: - "Je ne suis pas venu pour abolir La Loi mais pour l'accomplir" - nous sont explicitées ici par l'unicité d'Israël et de l'Eglise.
Le fait que le christianisme n'a pas de loi particulière le confirme aussi. Le Christ n'est pas un fondateur d'une nouvelle religion. Le passage de l'Évangile (Matt. 5:17-48) consacré au Décalogue est révélateur pour la compréhension du sens "d'accomplir".
L'Homme étant par sa nature profonde un Homme-Esprit, un regard équivaut à l'adultère, un désir, à un vol, une offense coléreuse, à un meurtre. Et le sens des dix commandements y devient : "Soyez parfaits comme votre Père est parfait".
Autrement dit, l'accomplissement de la Loi n'est possible qu'en sortant l'être humain de sa condition de la chute : "Mon royaume n'est pas de ce monde." Le seul but de l'Incarnation y est défini.
Mais le propos "pas pour abolir la Loi" peut être compris dans le sens le plus large. Le verbe étant l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, toute tradition véridique, toute religion vraie remonte à lui. Si dans la métahistoire, elles s’accomplissent dans la réintégration de l'Homme Premier (par l’Incarnation), elles gardent leur sens et leur place dans le temps. Ainsi en est-il de la fonction de la religion juive conservé dans son propre circuit : "Il n'éteindra pas le lumignon qui fume encore" nous dit Jean-Baptiste.
La permanence des principes, la modification de leurs applications ou leur compréhension du fait de l'Incarnation est la trame continue des "Instructions". De ce fait l'ensemble de notre texte peut donner quelques lueurs sur le problème assez insaisissable de l'ésotérisme chrétien. Si les débuts du christianisme peuvent sembler obscurs, c'est qu'il s'agit d'un renversement. Obscurs, parce que trop éclatants.
"Comme nous semblons éloignés de cet embrassement, de cette fusion qui, partant de La Croix, rejoignit ardemment la Couronne et cela en un seul instant".
La Pentecôte, la rentrée instantanée des cinq mille à "l'intérieur", l'illumination sans intermédiaire de Saint-Paul sur une route, bien d'autres exemples encore nous le démontrent suffisamment. Les épîtres de Paul qui sont ambivalents le font aussi. Ils s'adressaient à la fois à ceux de l'intérieur (n'oublions pas que le mot gnose a été lancé par Paul: "je voudrais que vous ayez tous la gnose"), et pouvaient de même être entendu et compris, à leur niveau, par tous dans la paroisse. Mais quelques décennies plus tard, "La lettre aux sept églises de l'Asie" de Saint-Jean appelée plus tard "l'Apocalypse" marque un début de séparation. Suivie du "Pasteur Hermas" à peu de temps près. Il est significatif que l'Apocalypse ait eu le plus grand mal à entrer dans les textes canoniques. Elle y est entrée finalement grâce au nom prestigieux de Saint-Jean et s'y est maintenue grâce aux commentaires historicisants (Il n'y pas sans doute d'autre texte au monde sur lequel on a pu écrire autant de volumes remplis d'inepties).
Le pasteur Hermas y est rentré - notamment à Rome -mais en a été ressorti (A-t-on remarqué que le thème des bâtisseurs, propre à l'Occident, provient essentiellement du Pasteur ?).
Les "Instructions" font la liaison : "Toutefois l'image des bâtisseurs et des pierres est juste, car il s'agit d'une oeuvre spirituelle, c'est donc dans un corps, une âme et un esprit vivants que cette oeuvre va opérer". Tout cela est significatif. Peu à peu, et surtout après la glorieuse moisson de martyrs, l'Assemblée intérieure devient insaisissable et extérieurement inconnue. En lisant attentivement les "Instructions" on comprend pourquoi.
Quant aux ésotérismes et hermétisme de l'Occident plus ou moins connus, ils ont d'autres origines. Mais tout comme l'art, les bâtisseurs de la civilisation médiévale ont reçu un influx de la part de l'Assemblée et des porte-paroles de celle-ci apparaissaient parfois d’une manière imprévisible dans les milieux les plus différents. Il y a un nombre de clin d'oeil dans le texte par exemple celui concernant les bâtisseurs: "Une autre image qu'il convient de commander aux maîtres-constructeurs est la disposition en forme de rose de trois verrières à situer dans le saint édifice de telle manière: une en septentrion pour le noir, une à midi pour le rouge et l'autre en Occident, pour l'embrassement, nulle ne devant être dressée en Orient, afin que les heures du jour marquent les moments de l'oeuvre du Christ et la nôtre ...'' ( et tout ce qui suit).
Ou celui-ci: "- pour qui suit le Christ jusqu'au sacrifice et à la Gloire de la Croix, cette étoile non seulement sera visible mais pareille à une rose, s'ouvrira lumineuse en son coeur, le transformant en l'or de toute connaissance et de tout Amour. Ceci est imagé par la rose au coeur de la Croix ou du vaisseau. Et c'est pourquoi on attribue aussi la rose blanche à la Vierge qui doit enfanter, la rose rouge au coeur du Christ qui est le Verbe, et la rose d'or à l'Esprit...", "ceux qui cherchent leur matériel ne sont que souffleurs et vont dans la chute plus avant".
Ces sauts dans le temps ne doivent pas nous surprendre, car l'Assemblée se déclare ici à la fois permanente et assumant chaque nouvelle fraction du temps dans sa particularité. Ils nous aident tout au contraire à comprendre le sens et l'origine du texte.
Ainsi nous nous sommes penchés ici sur la partie du texte qui soulevait le plus de problèmes et de contestations. En ce qui concerne le deuxième aspect du texte qui consiste en la transmission du symbolisme traditionnel de la Naissance, la Passion, la Résurrection et la Rédemption, il se passe de commentaires. Sauf pour dire à quel point il est intériorisé ici, et conforme - même plus : intégré - au contenu de ce qui précède. En ce qui concerne le troisième aspect des "Instructions", celui qui est présenté ici comme un rite, force est de constater qu'il reste inviolable, tout comme le dit le Préambule. Notons seulement que le même thème a été bien plus abondamment développé dans "la Signature des Choses". Les sept stations, les trois morts et les principes de l'équilibrage y sont consignés dans les termes d’une opération alchimique et le symbolisme correspondant. Or rien n’a pu être "trahi" ainsi.
Une chose est à signaler à celui qui voudrait faire une étude approfondie et personnelle sur le texte présent et sur ce qu'on pourrait - avec quelques réserves - nommer : l'ésotérisme chrétien. C'est l'extraordinaire diversité de la terminologie pour désigner le même contenu à travers les âges et les textes plus ou moins connus. Là encore nous assistons à un renversement d'usage. Mais les "Instructions" nous suffiraient déjà pour comprendre que la réalité désignée n'a pas changé d'un seul iota.
Quant à l'idée que qui ce soit pourrait 'encore une fois' servir d'arche à l'Assemblée intérieure, elle aussi est incompatible avec la totalité du texte. Elle l'est aussi avec l'affirmation explicite qui s'y trouve (et qui se trouve dans des textes similaires depuis deux mille ans): l'intérieur de l'Eglise constitue toujours "les sept Assemblées en travail sur toute la terre". "L'Asie" dès l'origine de la tradition chrétienne veut bien signifier cela. Par contre, il est évident qu'un texte comme celui-ci (une bouteille jetée à la mer a toujours une destination) peut apporter un nouvel afflux encore une fois, soit individuellement, soit collectivement, à des traditionalistes et à des hermétistes occidentaux qui se sentent chrétiens.
En concluant. Il y a eu un malentendu, sans doute quelque peu souhaité dès le départ, à propos des "Instructions". Si on nous a signalé l'existence d'un cahier manuscrit du XVe siècle qui a souvent été utilisé dans le "Bestiaire du Christ", il ne peut s'agir que d'une sorte de Mutus Liber, avec ou sans quelques commentaires (peu importe), mais aucunement des textes des "Instructions". Déjà leur terminologie serait complètement inutile au XVe siècle et contraire au principe des "vues successives" exposées ici même[12]. Que les instructions s'adressent à ceux de l'intérieur c'est évident. Mais elles s'adressent aussi à certains catholiques pour leur signaler que l'orthodoxie la plus profonde peut s'enrichir de nouveaux moyens d'investigation dont ils ont été écartés. Elles s’adressent tout aussi consciemment à tous les milieux hermétiques d'Occident pour leur signifier une fois de plus le sens de l'Incarnation et de ses conséquences. La question "où es-tu ?" ne se pose pas à ceux qui sont déjà dans le sentier. Mais il est aussi évident qu'il s'agit en plus ici d'une très respectueuse interrogation au plus haut niveau. Le texte nous semble avoir été composé et rédigé tel quel vers 1930.
[1] A l’exception d’un ou de deux courts passages peut-être mais peu importe
[2] « L’eucharistie repose sur l’Ordination et l’Ordination sur le sacre épiscopal lequel est la filiation sacramentale majeure de l’Assemblée »
[3] = catholicité
[4] Voici le « Big Bang » de certains !
[5] et surtout nos contemporains
[6] Nous savons que nous sommes de Dieu, et que le monde entier est sous la puissance du malin.
[7] Est-il étonnant de retrouver cette expression : « Le germe divin de cette renaissance céleste est renfermé dans notre intérieur… » chez Lopoukhine ?
[8] Toute opinion ou décision particulière ne restant vraie que dans la mesure où elle est conforme à la Source.
[9] Faut-il rappeler que les « Quelques Traits de l’Église Intérieure » de Lopoukhine, malgré les différences de langage et d’époque, contiennent un parfait développement sur l’Eglise intérieure et une énumération des erreurs possibles des francs-tireurs ?
[10] Surtout maintenant où, il y a une telle avalanche de littérature sur la « self-réalisation » du Soi et que les livres coûtent cher…
[11] On aurait tort de penser que c’est terminé. Seules les étiquettes changent. Aujourd’hui, cela s’appelle « théologie de la violence et de la libération des pauvres »
[12] Que le contenu signifié par ces dessins a été le même que celui exposé par les « Instructions » c’est, par contre, évident. L’étoile ne s’éteint pas.